Tout comme Tigzirt et Azeffoun, Dellys fait partie de la Kabylie maritime, même si depuis le découpage administratif de 1984, elle a été rattachée au département de Boumerdès.
Tout avait l’air à l’époque d’une punition. Après les événements de Kabylie de 1980, le pouvoir central voulait ainsi punir la population kabyle, en la privant de son unique port. Située à l’est d’Alger, à quelque 120 kilomètres, et au nord de Tizi Ouzou, à quelques quarante kilomètres, Dellys vivra très mal ce divorce forcé.
Longtemps préservée, elle s’engagea doucement, mais surement, dans la décadence. Et pourtant elle fait partie, du lot des plus vieilles villes d’Algérie. Plusieurs fois millénaire, elle a perdu chaque jour un peu plus de ses vestiges et de son histoire.
Dellys a été fondé par les carthaginois, mais ceux sont les romains qui en firent une puissante cité « Rusuccurus », avant de s’appeler Tedelles. Les arabes construisirent sur ces ruines, puis se fut le tour des turcs et enfin des français en 1844. Même les phéniciens y installèrent un comptoir pour y commercer. En s’y promenant, on devine rien qu’aux différentes architectures des maisons, que cette ville a connu plusieurs occupants. S’il ne reste plus grand chose de visible du passage des romains, celui des turcs est encore omniprésent avec la Casbah. Dellys est donc une cité historique, qu’on a laissé dépérir. Sauf que ses vestiges sont aux musées du Bardot et du Louvre. Alors qu’ils auraient du rester là, si seulement on avait pensé construire, juste un petit musée. Ce qui a fait dire à Yasmina Chaïd « …ce regard porté sur le passé me permet d’affirmer, que cette ville et ses habitants avaient toujours quelque chose à raconter, quelque chose à enseigner » dans « Dellys aux mille temps ». Un musée l’aurait encore mieux fait.
Riches de ce passé, les dellyssiens ont hérité d’un riche patrimoine, même s’il est de plus en plus en déperdition. Les doigts des dellyssiennes sont tout aussi habiles à vous confectionner des habits forts originaux, qu’à vous garnir une table de mets dont même les algéroises seraient jalouses. Quand aux hommes ils se considèrent tout simplement, et ils l’affirment avec force, qu’ils restent les meilleurs pêcheurs du monde. Avant d’être envahi par les ruraux de la région, les dellyssiens avaient toutes les caractéristiques de purs citadins. Dellys ne manquait pas également d’attractions. On citera son école des arts et des métiers (devenue après l’indépendance un lycée technique), son port, son phare, son « sport nautique » et ses plages. Pendant longtemps, Dellys était la destination préféré des kabyles, particulièrement des tizi ouzouiens. Ils étaient attirés par les plages bien surs, mais aussi par le « sport nautique », devenu un bâtiment aux dans l’eau, ou l’hôtel « Le beau rivage » avec une superbe vue sur la mer, pour déguster une bière ou un plat de poissons fraichement pêchés. Par la même, ils profitaient du retour des chalutiers, bien chargés de poissons, et du contact toujours chaleureux avec les gens de la mer.
Mais voilà qu’un jour, le vent de l’islamisation qui soufflait sur l’Algérie, ne l’épargna pas. Pire, elle devint vite un fief islamiste. Les attentats et autres assassinats ont fait des dizaines de morts et de blessés. Le dernier en date (fin 2007), est celui perpétré par un kamikaze de 15 ans, contre la caserne des gardes côte. On a dénombré près de 40 morts et autant de blessés. Dellys la coquette devint dès le milieu des années 90, la ville à éviter. Le préjudice allait être énorme. On ne reconnaissait plus celle où mosquées, bars, cafés etc, gens de divers horizons, se côtoyaient sans problèmes. La seule évocation de son nom donnait des frayeurs. On en vint même à oublier son existence, que seuls les attentats rappelaient. Non seulement les groupes terroristes ont bloqué son développement durant plus d’une longue décennie, mais entre temps ce qui existait s’est dégradé. Aujourd’hui, tout est pratiquement à refaire: la voirie, le réseau d’eau potable, l’assainissement et bien d’autres infrastructures. Sur le plan touristique, la Casbah, classé patrimoine national, est également en ruines. Aux dernières nouvelles, plus de 17 milliards de centimes ont été débloqués, pour sa restauration. Mais selon un des occupants, une partie sera rasée au profit d’un parking automobile. Il n’existe aucun hôtel à Dellys, les investisseurs potentiels ont fuit sous la menace terroriste. Contrairement à ses voisines Tigzirt et Azeffoun, qui comptent plusieurs infrastructures touristiques, elle a accumulée un retard considérable. Sa côte est quasiment vierge, aucun investissement. Même si les dellyssiens se veulent rassurant, pour faire venir les gens, les craintes subsistent. Le défi pour les autorités et la population reste donc, celui de rendre confiance aux touristes. Gageons que celle qu’on appelait « la déesse du Djurdjura », renoue avec sa tranquillité d’antan, et qu’un programme urgent et spécial lui soit destiné pour qu’elle retrouve toute sa splendeur.