Taguemount Azzouz est un village qui domine majestueusement à l’ouest, les plaines des Ouadhias et au nord, celles de Tizi Ouzou. Situé à une trentaine de km de la ville de la ville des genêts, il est entouré par les villages Taourirt Moussa, Tizi Hibel (le village de Mouloud Feraoun), Tagrara, Ath Mesbah…
Taguemount Azzouz est le village qui compte le plus d’habitants dans la commune d’Ath Mahmoud et fait partie des plus grands villages de Kabylie. À la fin du 19ème siècle, sa population était équivalente à celle de Tizi-Ouzou. Le village a beaucoup évolué depuis. Néanmoins il a su conserver son allure berbère. Quand on se promène à “Thaddarth” (ou la majorité de la population est concentrée), on y remarque d’anciennes maisons toujours intactes. On ne peut alors mieux décrire le paysage, comme l’a si bien fait, Mouloud Feraoun, dans “La terre et le Sang”, « Le village est un ensemble de maisons et les maisons sont faites d’un assemblage de pierres, de terre et de bois. C’est à peine si elles laissent soupçonner la naïve intervention de l’homme-maçon. Elles auraient poussé toutes seules, telles qu’elles s’offrent à leurs occupants, que cela ne serait pas un miracle sur cette terre ingrate avec laquelle elles se confondent ».
On ne peut s’empêcher aussi de remarquer, que toute la gente féminine est en robe kabyle, même les plus petites. Elles sont ainsi fières, de porter encore la tenue de nos ancêtres. Tout au long de l’axe routier principal du village, on remarque plusieurs ateliers de coutures qui exhibent, au grand bonheur des passants, de somptueuses robes kabyles, aux couleurs chatoyants.
A Taguemount, les personnes âgées ont conservé, peut être plus qu’ailleurs, les dictons, les proverbes, les issefras (poèmes) et les chants de nos ancêtres. Je n’irai pas très loin pour citer un exemple, à plus de 90 ans, ma grand-mère, Fadhma Ath-Ammar, est une encyclopédie vivante de poèmes et traditions kabyles. Ces vieux et ces vielles tentent de transmettre ce patrimoine, oralement bien sûr. L’idéal est de les répertorier et les transcrire.
La jovialité des habitants est bien connue dans la région. Aussitôt arrivé on est accueilli par de nombreuses formules de politesse : Aslama, Alkhir, Azul …, auxquels on a droit tout au long du séjour. Ce village surnommé autrefois “le petit Paris”, compte beaucoup de cadres et de personnes d’influence, à l’image de Rebrab Issad (patron de CEVITAL). Il faut dire aussi que la majorité de la population est instruite. Beaucoup de vieilles, tout comme les vieux, du village et du voisinage, s’expriment parfaitement en langue française. Ce qui n’est pas étonnant, quand on sait qu’elles ont côtoyé pendant plusieurs années les sœurs blanches.
Le village a toujours perpétré ses traditions, dont celle de planter des figuiers à proximité de chaque tombe. C’est pour permettre à ceux qui n’ont possèdent pas d’en consommer. Une tradition séculaire, illustrant aussi une bonne action en faveur du mort; pour qu’il puisse, à ce qu’on dit, en profiter. Il y a aussi les saints, qui sont fêtés dignement chaque année : Avougellav azegzaw, Taourirt bougni, Yemma melkhir…Les villageois se réunissent autour de couscous géants traditionnels, permettant ainsi aux riches et aux pauvres de partager le même repas. A l’issue de ces célébrations, des fonds sont collectés et sont équitablement distribués aux plus démunis du village.
Taguemount Azzouz a, malgré tout, tout d’une petite ville : transport public, centre de santé, établissements scolaires, centre de formation, marché hebdomadaire à Larbâa (centre d’Ath Douala), un stade et un club de football(KCT), qui honore la région depuis fort longtemps. Toutefois, comme la plupart des villages de Kabylie, le mien a aussi ses contraintes quotidiennes. Le gaz de ville se fait à ce jour encore désirer, surtout en hiver durant lequel il neige souvent. Les jeunes sont confrontés au chômage, les emplois locaux étant saturés. L’absence d’une maison de jeunes qui leur permettrait d’exprimer leurs multiples talents accentue l’oisiveté. La plupart se plaint de la passivité de l’APC, plusieurs projets de développement économique et culturel, tardent à voir le jour. Espérons, que les doléances de la population soient prochainement satisfaites, pour que ce village hors du commun ne manque de rien.